Être en mouvement
Pour obtenir l’illusion du mouvement, le cinéma a besoin de 24 images par seconde. Le réalisateur peint avec sa caméra des instants appelés scènes. Puis avec le montage, il rassemble ces différents éléments pour traduire un récit. La plupart des spectateurs conçoivent le film comme une transposition d’une histoire à l’écran en utilisant différents effets pour donner l’illusion d’une unité temporelle. Pourtant le cinéma possède un outil supplémentaire qui dépasse la peinture : le montage entre les plans. Par exemple dans un champ contrechamp, le réalisateur nous présente une même scène avec différents points de vue. On ne filme plus d’une manière frontale un tableau où l’action des personnages est montrée dans son ensemble. On varie les angles de prise de vue d’un même espace pour évoluer avec les personnages en favorisant l’identification. Le spectateur par ce jeu de traitement de l’espace est en mouvement dans l’histoire et a un accès à l’intimité du personnage. Le mouvement apporté par ce montage est un élément important pour créer émotion et empathie.
De même, le peintre construit son tableau par le montage intérieur. Il utilise plusieurs outils pour donner l’illusion du mouvement. Le premier est la déformation du dessin. Par exemple, la déformation du bras et de la main permet d’attirer l’attention de l’observateur.
L’art des cavernes est certainement l’une des expressions artistiques des plus anciennes. Les artistes employaient déjà les codes élaborés de la simplification du tracé pour raconter des histoires ou pour transmettre des signes symboliques. Les peintures rupestres attestent que nos ancêtres Homo Sapiens avaient déjà inventé le dessin en mouvement ainsi que la perspective.
Bien sûr, l’exagération ne doit pas être employée en surnombre pour éviter la confusion voire la caricature avec un effet plastique désastreux.
De la déformation naît l’émotion !
Le « beau » n’est pas seulement dans le respect des proportions du réel. La symétrie très académique est parfois une erreur : elle peut provoquer une sorte d’image figée avec une immobilisation de la représentation.
Souvent poussé par l’émotion, notre imagination s’emporte et le dessin se déforme. Des aberrations visuelles apparaissent alors. Malheureusement, nombre de professeurs d’Art au nom d’un certain académisme corrigent cet état pour donner au dessin des proportions justes décrivant un réel sans émoi. Cette correction engendre alors un dessin plat où aucune émotion ne se dégage !
Couleurs et formes simplifiées
Traiter les formes en les simplifiant par des formes géométriques simples comme le cylindre, le cône ou la sphère était un des principes de Cézanne. Le découpage et l’instabilité des lignes, la juxtaposition des lignes droites et des formes arrondies procurent une dynamique de mouvement. La taille des bras, l’oreille anormalement immense attirent le regard.
La mélancolie de ce garçon est certainement le sentiment qui nous vient immédiatement à l’esprit. Est-ce le silence mélancolique que Cézanne a voulu nous transmettre dans ce tableau et pourquoi ce gilet rouge ? L’introduction de cette couleur permet d’insérer une vibration de la lumière qui évite une composition grise où le sujet se serait confondu avec le décor. Les couleurs chaudes permettent d’avancer alors que les froides apportent plutôt une impression de recul. Cette « anomalie » rouge est à ne pas douter un élément important dans l’esthétique de la composition.
La composition dynamique de contours simplifiés permet aussi de mettre en mouvement les différentes formes. La couleur produit des dessins puissants et dynamiques.
Le couteau à palette
Les touches du couteau à palette travaillées avec énergie modèlent dans l’épaisseur le relief de la peinture et soulignent cette idée de mouvement. De plus, elles accentuent la simplification du trait et intensifient les couleurs. Travailler dans l’épaisseur permet de donner une allure quasi structurale à la houle qui s’écrase sur la proue, arrêtant le voilier en train de lofer.
Vous remarquerez certainement que ces deux tableaux mettent en scène une même action à bord d’un voilier avec une vue tournée vers la proue et le deuxième, une vue vers la poupe !
- La mer est montée et le voilier continue son abattée ! Acrylique et huile sur toile 73×60 cm
- détail : Un équipier borde les voiles
- Détail du tableau : la tête est plus petite proportionnellement. Peut-être pour montrer l’effort
- détail : Un ciel froid vient en opposition avec les couleurs chaudes des cirés
- La nervosité du couteau à palette permet de montrer les embruns
- Manoeuvre à la barre. Acrylique et huile sur toile 60×60 cm.
- Le travail au couteau accentue la simplification
- Détail du tableau : Déformation du bras. Couleurs froides et chaudes en opposition !
- Des traits au couteau suivent le mouvement de la barre
- Le ciel est gris !
- Le bleu froid de la vague et la couleur chaude du ciré procurent une vibration intéressante
- L’instabilité des lignes, la juxtaposition des lignes droites et des formes arrondies procurent une dynamique de mouvement.
Bonjour Raymond,
Merci infiniment de ce beau billet. « Peindre le mouvement ». Je trouve très intéressant et vos toiles et détails sont superbes.
J’aime beaucoup celle avec la vague qui s’écrase.
Bel après-midi
Amicalement
Merci Denise pour ce gentil message. Amicalement
Très très très intéressant !
Merci Laurence